Le voyage de Takoumi

Saison 3

Archive mensuelles: mai 2018

Peter , Peter … c’est Wendy … es-tu aux courants ?

Au matin du départ de Grand Cayman, la météo reste incertaine et l’heure du départ repoussée petit à petit de 9h à 13h, non sans que ce retard ne soit mis à profit pour une sérieuse séance de nettoyage de l’annexe.

Finalement, nous quittons le mouillage presque simultanément avec les copains de Peter Pan, le sister-ship de Takoumi. En mon for intérieur, je souris de constater à quel point il est motivant de voir des amis appareiller : Il ne nous faut que quelques minutes pour décider de suivre leur exemple alors que la navigation qui s’annonce sera d’au moins 5 jours et que les tergiversations ont durées la matinée entière 😉

Nous naviguerons donc de conserve … moins d’une demi journée. En effet, William est convaincu que son salut est dans le Gulf Stream. Il a sans aucun doute raison dans la mesure où son objectif est de rejoindre le Mexique. Pour notre part, atteindre ce tapis roulant des océans requiert un détour de 120 milles dans l’ouest au minimum, à l’opposé de notre destination. Il nous faudrait un bonus de 2 nœuds par heure pendant 60 heures pour ne serait-ce que rattraper ce déficit et enfin bénéficier d’un bonus. Donc, comme Takoumi remonte bien au vent dans ces belles conditions, nous décidons de conserver notre route nord pour viser la pointe Ouest de Cuba … au plus court.
Et ce n’est pas sans un pincement au cœur qu’à 19h le jour même, nous constatons que nous perdons le contact avec Peter Pan quand Aurélie tente de nous contacter à la VHF … Sa voix hachée et presque inaudible ne nous permet même pas de savoir si elle nous entend. L’éloignement nous fait irrémédiablement perdre le contact et plusieurs tentatives d’appels les jours suivants n’y changeront rien.

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Le jour suivant, toujours dans des conditions idéales, Manuela s’en prend de nouveau aux poissons qui peuplent ces abysses. La partie de pêche se solde par une victoire éclatante de ma co-capitaine qui nous remonte une dorade coryphene de pas moins de 76 centimètres !
Belle prise, mais pas sans contrepartie … au cours de l’affrontement, défendant âprement son déjeuner, Manue perd l’équilibre et effectue une galipette involontaire et incontrôlée qui l’amène cul par dessus tête du pont arrière au fin fond du cockpit, plus d’1 mètre en contrebas sans jamais lâcher sa canne.
Nous pouvons en sourire a posteriori, mais sur l’heure, je n’en mène pas large. Quand j’assiste à la culbute, je vois ma féroce moitié rebondir d’un banc à l’autre et je crains qu’elle ne ce soit brisé le cou. Mais Manuela n’est pas que volontaire et déterminée, elle est aussi implacable et se relève derechef pour terminer et remporter la lutte.
Elle en sera quitte pour quelques semaines de douleurs et de séances pommade-Voltarene. J’hésite beaucoup à faire la blague « Franchement, la connaissant, si j’avais du dire qu’il s’agissait d’un accident, qui aurait pu me croire ? », mais le coup est passé si près de la punition que je n’en ai pas le cœur.
Ceci dit, madame dorade ne perd pas complètement la bataille, par delà son trépas et notre délicieux déjeuner, elle nous expédie aux toilettes réfléchir à notre crime.

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Nous laissons ces événements, et l’inconfort intestinal, derrière nous la journée suivante pour un autre temps notable de notre traversée. Comme nous nous retrouvons harassés par la chaleur et encalminés dans une grosse bulle sans vent, nous entreprenons l’activité baignade en pleine mer. Je ne laisse pas passer cette chance car je sais que c’est l’une de nos dernière occasion de vivre ces instants intenses de se baigner loin de tout et surtout du fond de la mer à plusieurs kilomètres sous nos pieds. C’est toujours un moment mélangé d’excitation et d’inquiétudes dont nous ne lasserons jamais.
Aucune mauvaise aventure ne vient perturber ce moment de bonheur et nous reprenons notre route rafraîchis et disposés à batailler avec le vent d’Est qui nous cueillera dès que nous aurons dépassé la pointe de Cuba.

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Justement, la pointe Ouest de Cuba me réserve une surprise. Nous y étions passés de nuit lors de notre descente et j’avais imaginé une côte accore dessinée par des falaises rocheuses. De fait, je me suis bien trompé et le véritable paysage se révèle être une plage tout ce qu’il y a de plus caribéenne avec son décor arboré … légèrement décevant. Je souris encore de cette méprise due à mon imagination et me demande s’il vaut mieux ne pas revenir sur ses pas et conserver intacts les mythes forgés par notre imagination et les circonstances du moment.

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Cette étape franchie, nous entamons notre bord final de remontée vers Key West, face au vent et aux vagues que l’Atlantique amène jusqu’au golfe du Mexique.
Bien que les conditions soient un peu plus difficiles, je goûte avec bonheur chaque instant de ce qui devrait-être nos deux ultimes journées de navigation réellement hauturière et, surplombant le pont de Takoumi et la mer, je me laisse aller par moment à la mélancolie nostalgique d’une aventure qui touche à sa fin.

 

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Sharkis aux Caïmans !

 

Au terme de cette belle traversée nous arrivons à Grand Cayman. L’accueil des autorités pour accomplir les formalités d’entrée – gratuites – est alors exemplaire et le plus chaleureux et sociable que nous ayons expérimenté jusqu’ici. C’est donc dans la bonne humeur que nous rejoignons une bouée devant la capitale George Town pour quelques jours de repos.

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Pour commencer il nous tarde de revoir notre copain Bruno rencontré l’année dernière, donc nous regonflons l’annexe et partons à terre et au restaurant qu’il gère, le Guy Harvey. Nous trouvons l’endroit inhabituellement bondé ce qui nous fait tout drôle en atterrissant après cinq jours plutôt solitaires…donc après quelques hésitations, nous nous installons au bar. Aucune trace de Bruno…quand soudain Maria, l’une des serveuses nous reconnaît « You’re Bruno’s friends ! ». Elle nous apprend que Bruno a quitté le restaurant il y a longtemps et qu’il doit être en France en ce moment. Déçue, je profite quand même du réseau wifi pour lui envoyer un message et nous partons rejoindre Takoumi pour entamer notre programme de repos!

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A peine une heure après, attablés à bord de Takoumi, nos voisins Français viennent nous saluer. En effet, nous avions bien remarqué leur bateau en arrivant étant donné que c’est le même que nous, un Amel Sharki! Le leur s’appelle Peter Pan et William et Aurélie voyagent depuis 2015 comme nous. Nous les invitons à venir prendre un verre à bord le lendemain.

Entre temps j’ai reçu des nouvelles de Bruno, il rentre dimanche ! Nous espérions partir après le week-end mais au premier regard de la dernière météo, nous ne sommes pas convaincus de bouger ! Un front d’orages se prépare et nous l’aurions devancé seulement sans nous arrêter…Mais voilà qui est déjà fait ! Et la possibilité de revoir notre ami nous console de ce fâcheux contre-temps.

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Le lendemain, l’apéritif avec nos voisins est riche d’échanges sur nos parcours, nos vies et….nos bateaux 🙂 Nous convenons de nous retrouver le lendemain pour aller à un shipchandler à l’est de George Town, au sud de l’île au milieu de nulle-part. De bonne heure, nous partons à la recherche d’un bus local …mais Grand Cayman est une toute petite île donc chacun des habitants que nous croisons cherche à nous aiguiller ! Ainsi le bus est vite repéré et il nous dépose à un kilomètre du magasin cible, Harbour Town Marine…un kilomètre à pied sous un soleil de plomb… ça n’use pas que les souliers…

Nous passons un bon moment dans ce magasin, raisonnablement achalandé mais dont le personnel nous suggère d’aller chez un concurrent près de l’aéroport…pour les pièces manquantes, à vrai dire, toutes les pièces que nous recherchons.! Nos bateaux sont de 1980/81, pas toujours facile de dénicher ce qu’il nous faut.

Bredouilles, nous sortons du magasin toujours au milieu de nulle-part. Déjà légèrement déshydratés, nous n’avons vraiment pas envie de refaire le kilomètre retour donc nous demandons à un couple en 4×4 s’ils peuvent nous rapprocher de l’aéroport et du second shipchandler (ou magasin d’accastillage en Français)…Un peu contraints par notre insistance polie, le couple accepte enfin de nous prendre et la discussion est entamée pendant le trajet. Nous devons soit leur paraître sympas, ou totalement désœuvrés parce qu’ils font le détour pour nous amener au pied du magasin Scott’s Marine ! Comme l’a commenté William nous avons un peu forcé le destin sur ce coup-là …Nous ne sommes quand bien même pas plus avancés car le second shipchandler ne nous donne pas plus de réussite dans la quête de nos pièces ! Mais à ce stade, assoiffés, nous profitons de la proximité du Club de pêche, le « Barcadero » et de son restaurant-piscine-terrasse pour nous abreuver.

Le retour à George Town se solde à pied, quelques kilomètres encore en passant par le magasin de bricolage « Parkers », assez intéressant où une courroie pour Peter Pan est quand même dénichée! Ce fut une belle ballade pour découvrir cette île très américanisée en ce qui concerne les zones commerciales , diamétralement opposée à la Colombie que nous venons de quitter…

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Le lendemain soir, nous retrouvons avec grand plaisir notre copain Bruno et ses deux garçons Emanuel et Étienne au « Da Fish », le restaurant que nous avons élu nouveau « bureau » – en boudant le Guy Harvey sachant que Bruno n’y travaille plus. Il nous demande s’il peut nous aider pour quoique ce soit se doutant des difficultés des voyageurs en escale…Et en effet, il y a bien quelque chose… nous devons laver notre linge et ne trouvons pas de laverie sur cette île. Les seules qui pourraient exister sont à des kilomètres donc Bruno nous propose de venir chez lui le lendemain! Nous apprécions grandement ce service et profitons de sa machine à laver et de son wifi toute la matinée . L’apéro retour chez nos voisins en Sharki termine cette journée très chaleureusement.

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Nous somme au mouillage en face du Wharf bar & grill qui possède un quai pour les dinghys, et un autre pour alimenter les tarpons…Vous nous connaissez il me semble, nous nous y sommes rendus assez vite pour découvrir cette autre lieu sympathique de George Town, et un jeune Français travaillant comme barman, Johan que nous avons trouvé très aventureux et courageux de s’être expatrié de Chartres, sa ville natale. Je pense que nos quelques visites et mes nombreuses questions plutôt personnelles lui ont fait plaisir, d’ailleurs une des serveuses du restaurant a fini par me demander si nous étions ses parents :))

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Et comme il n’y a pas grand chose d’autre à faire sur cette île nous nous sommes lancés sur une plongée avec le centre du Lobster Pot, à côté du dock publique de George Town alias le dinghy dock pour les plaisanciers.

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Olivier fera une plongée de 45 min à travers une épave le Kittiwake, attraction souhaitée et créée par le gouvernement Caymanien après l’achat de ce vieux bateau auparavant consacré à la recherche. Et moi??? C’est une longue histoire mais pour résumer, j’ai également plongé – mais seule, afin de rattraper le groupe mais ne les ai jamais retrouvés.
En fait j’avais perdu tout mon souffle au moment du départ, pour une affaire de palmes trop étroites…croyant que j’abandonnais, le groupe est parti sans moi, mais 5 minutes plus tard j’avais récupéré donc la monitrice à bord m’a dit de les rejoindre ..Et c’est ainsi que j’ai plongé seule pour la première fois de ma vie. Je suis même allée jusqu’à l’épave à 18m de fond, j’ai même pourchassé et rattrapé un homme, effaré, sous l’eau le confondant avec mon moniteur ! Mais pas tranquille à ce stade, je suis repartie doucement rejoindre le bateau de plongée sans pépin !
Je n’ai donc pas plongé dans l’épave mais me console vite en faisant de nombreuses ballades aquatiques autour de Takoumi, au mouillage, entouré de récifs de coraux et poissons tropicaux!

Nos quelques jours se sont soldés en plus d’une semaine à George Town pour cause de mauvais temps. Et si ce séjour fût onéreux – l’île a le taux de change le plus cher que nous connaissons-nous sommes repartis à nouveau plein de bons souvenirs, avec de nouvelles connaissances – et bien achalandés de pulled pork et de crevettes fraîches!

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