Le voyage de Takoumi

Saison 3

Archive mensuelles: juin 2017

Ma campagne au Panama

Fortement conseillée par de nombreux navigateurs et quelques amis, nous avions initialement choisi d’atterrir à Panamarina, une petite Marina 28 milles à l’est de l’entrée du Canal de Panamá et de la ville de Colón. Mais faute de place, ou de bonne volonté d’après mon expérience, nous avons fini par poser l’ancre à Baya Linton entre le village et une autre Marina à Puerto Linton.

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C’est la « campagne » version forêt tropicale humide et nous retrouvons avec plaisir des paysages qui nous rappellent la Guadeloupe – les toucans et les singes hurleurs en plus ! Nous passerons une semaine agréable dans cette région de la province de Colón, nichée entre îlots, mangrove et sommets éloignée de tout.

Il s’agit tout d’abord de rentrer officiellement au Panama, procédure aléatoire si l’on en croît divers plaisanciers. L’officiel solitaire des autorités maritimes du préfabriqué de Puerto Linton nous demande – d’entrée – de payer 180 dollars « cash » de « Permiso de navegación » annuel pour Takoumi. Seulement voilà : nous n’avons que 130 dollars en poche et la première banque est à plus d’une heure de route – en bus coloré local qui ne passe plus cet après-midi…Qu’à cela ne tienne, l’officiel demande au gardien de sécurité de nous emmener – pour 20 dollars…- au village le plus proche, Portobello retirer de l’argent à la supérette chinoise. En fait, toutes les supérettes sont tenues par des chinois au Panama et ceux-ci profitent de l’absence de banques pour nous sur-facturer le dollar sur nos visas avec une commission de 12% ! Pour le sourire et l’amabilité ce doit être plus cher…
Évidemment, concernant l’immigration que nous devons saluer dans les 72h, nous devrons revenir un autre jour à Portobello : en effet, le bureau qui s’y trouve couplé à l’office du tourisme est fermé et n’ouvre que le lendemain – ou le surlendemain, l’officiel nous prévient que c’est parfois…aléatoire!

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De retour à Puerto Linton nous découvrons une Marina ouverte mais clairement en chantier. Il y a deux pontons assez fréquentés, une station service, une grue toute neuve et heureusement pour nous, The bitter end » un bar à flot (et non bar à flotte) qui vient d’ouvrir le mois dernier. Malheureusement cet endroit convivial tenu par un italien et une péruvienne américaine d’origine philippine je crois, fermera avant notre départ pour mauvaise relation avec le manager de la Marina…Nous profitons de notre situation géographique assez centrale dans la baie pour visiter les deux autres endroits intéressants du coin : Panamarina et le village de Puerto Lindo.

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Que dire de Panamarina : eh bien, ce trou dans la mangrove développé par un couple Français est bien protégé mais difficile d’accès. Le restaurant est un peu cher mais agréable et les grillades excellentes. Le chantier paraît être le délire enfantin de son gérant qui propose de sortir les bateaux avec ce qui ressemble à un tracteur trafiqué…Sa compagne gère le « parc » de bateaux à la tête du client selon l’humeur et ne m’a pas inspirée totale confiance, d’ailleurs nous n’avons jamais réussi à convenir d’une place durant et après notre séjour à Linton. Ce qui n’était je l’avoue pas pour me déplaire parce que l’endroit est protégé certes, mais très humide et accueille plus de moustiques que d’humains ! Pour résumer, expérience en demi-teinte mais inachevée puisque nous n’y sommes allés qu’une paire de fois en touristes pour y déjeuner et laver notre linge.

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C’est finalement le village de Linton qui m’a le plus séduite. Facile d’accès en annexe sur le petit ponton du bar restaurant de Hans et de sa famille. C’est ici que nous avons pu remplir nos bonbonnes de gaz et rencontré nos deux bateaux voisins du mouillage : un américain, un nouveau-zélandais et un Sud africain avec qui nous passions pas mal de temps à partager nos expériences et refaire le monde. Rencontres insolites et qui me passionnent : l’un navigue en solitaire depuis l’Angleterre, l’autre voyage à bord et vit « sur la route » depuis trois ans, le troisième embarque des équipiers. Nous sympathisons également avec Marteen, le jeune fils de Hans qui nous parle de sa vie à Linton, ses études et ses aspirations. Plus loin sur le rivage nous rencontrons un autre jeune homme aventurier, Thomas , au club de plongée café wifi tenu par des turques francophones avares en amabilités. Il a acheté une moto à New York et à déjà parcouru le chemin jusqu’au Panamá. Il souhaite visiter l’Amérique du Sud comme nous, mais sa prochaine étape est compliquée parce qu’il n’y a pas de route entre la Colombie et le Panamá…Lorsque nous l’avons quitté il envisageait de vendre sa moto américaine pour acquérir un triporteur colombien. Nous avons hâte de découvrir la suite de son périple!

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En parallèle de notre vie sociale intense nous faisons de belles ballades en bus local pour rejoindre Portobello et en annexe pour apercevoir les singes de l’île Linton, traverser un long tunnel de mangrove et nous baigner sur les coraux de l’îlot privé en face du bateau.

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Chaque nuit nous essuyons les orages, même au mouillage, l’un particulièrement violent qui semble avoir foudroyé trois voiliers de notre voisinage. Nous discutons beaucoup de la suite de notre voyage, le temps se détériorant nettement en ce début de saison humide.

Que faire ? : visiter l’archipel phare de la région, les San Blas à l’est ou passer le Canal pour rejoindre le Pacifique ? Nous sommes indécis à ce stade et un peu démotivés par le mauvais temps pour visiter des îles quand bien même magnifiques…nous décidons plutôt de rejoindre « la ville » de Colón en face de laquelle nous savons qu’une Marina accueille les bateaux qui se préparent à traverser le Canal de Panamá : en route pour Shelter Bay !

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L’autre visage de la mer des Caraïbes !

Pour notre traversée de la zone la plus inaccueillante de la mer des Caraïbes, de « Grand Cayman » au Panama, nous avons été pour le moins mal inspirés puisque nous nous sommes fourvoyés au sujet de la route à suivre; de la durée de trajet; de la fenêtre météo et des prévisions … en quelques mots, nous nous sommes « bien loupé comme il ne fallait pas … là où il ne fallait pas ».

Il devait s’agir d’une traversée en père peinard … 5 jours en ligne droite au travers d’un vent absent et de pluies éparses le dernier jour … Il nous en coûtera 7 jours de vent de près dans un champ de montagnes liquides copieusement arrosées par de systématiques orages nocturnes.

Bon, j’en rajoute à peine. Nous prenons les deux jours de retard d’entrée, et si ce n’est une « légère » correction de route pointant sur la Jamaïque, ces deux journées perdues pour « reprendre de l’Est » se font dans de bonnes conditions.
Au second soir, nous prenons enfin notre route nouvellement définie pour éviter les courants contraires et les hauts fonds des côtes du Nicaragua.
Nous déplorons quand même la casse du chariot d’écoute de génois, suppléé par une sérieuse garcette qui plusieurs semaines après est toujours en usage … c’est une assez mauvaise nouvelle pour nous car ce type d’accastillage (qui plus est, date de 37 ans) est aussi courant dans ces contrées qu’un « singe hurleur » en haut de l’Empire State Building …tout le monde l’a vu à la télévision, personne en vrai 😉

Cette seconde nuit, alors que nous nous éloignons enfin de la Jamaïque, marque le début de notre mauvaise période météorologique. Forcément, avec 36 heures de retard, la fragile fenêtre météo se referme sur nous. Donc, à l’heure où le premier prend son quart et l’autre se repose du sommeil du juste, le radar annonce un grain … si étendu, avec un diamètre de plus de 6 miles nautiques en expansion, qu’il n’est pas question de l’éviter.
Comme un haut fond nous refuse la fuite vers l’Ouest (à 10 miles, une grosse heure dans ces conditions), nous choisissons de rentrer les voiles et d’affronter le mauvais temps au moteur. À ce moment là, l’orage nous « tombe dessus » avec moult éclairs, cataractes ininterrompues d’eau et grosses rafales … autrement dit … nous avons deux minutes de retard pour les manœuvres … comme des bleus … comme si nous n’avions rien appris de deux ans de navigation … honteusement en retard.
La bataille pour rentrer les voiles est donc sérieuse, la pluie déchaîne sur nos têtes des hectolitres d’eau et le vent fort nous oblige pour la première fois de notre voyage à utiliser un winch pour enrouler le génois.
Dans la bagarre, Eole, sans doute contrarié de nos efforts, emporte la bouée de survie et sa lampe à retournement. Je la regarde s’éloigner sous l’orage nocturne sans autre pensée que de constater le bon fonctionnement de l’ensemble.
À ce moment, Manuela constate 12 nœuds de vitesse au gps pour 35 nœuds de vent arrière … (je fais le calcul pour vous … 47 nœuds de vent vrai … sans commentaire.)
Heureusement, nos manœuvres s’achèvent vite, sans autres pertes, et quelques minutes plus tard, nous faisons route au moteur … trempés et fatigués … mais saufs.
… Nous ne sortirons de l’orage que 6 heures plus tard …

Et c’est ainsi que les 5 jours suivants s’enchaînent dans l’inconfort, rien ne sèche vraiment à bord et l’humidité se fait sentir, (très) grosses vagues de travers qui s’invitent sur le pont le jour, partie de cache cache avec les orages la nuit. Nous avons quand même plus de réussite et ne nous faisons plus prendre par surprise.
C’est un jeu éreintant qui, si l’on souhaite vraiment l’emporter, nous impose une veille constante et de perpétuels ajustements d’allure et réglages de voiles, mais ainsi, nous ne vivons pas d’autres « gros événement » avant l’ultime nuit de navigation.

Le problème de l’atterrissage après une semaine de navigation est que nous ne disposons pas vraiment comme bon nous semble de notre heure d’arrivée. Il est évidemment difficile d’accélérer quand l’objectif a été, 5 jours durant, de parcourir le chemin aussi vite que possible … mais aussi (c’est psychologiquement subtil) de ralentir …
Nous arrivons donc à quelques heures des côtes Panaméennes à la tombée de la nuit. Comme les orages sont encore (et toujours) de la partie. Nous passons la nuit au moteur à faire des ronds dans l’eau pour éviter les zones de pluie … comme les autres nuits en somme … mais sans avancer vers notre but.

Au lever du jour, les orages grondent toujours, et partout bien que plus faiblement, quand il nous semble apercevoir une trouée dont nous pouvons profiter pour nous précipiter vers la côte, ses eaux calmes et ses abris. C’est au cours de ce dernier effort, à l’heure du quart de Manuela que le dernier orage se reforme sur nous et malmène notre Takoumi une dernière fois avant d’atteindre notre but : le Panama, nous y sommes enfin !

Dernière Caribéenne aux Cayman

Deux iles se disputent le Sud de Cuba, la Jamaïque à l’Est et les Iles Caymans à l’Ouest. Chacune évoque pour moi un film de Tom Cruise avant qu’il ne devienne complètement « TocToc » … « Cocktail » avec le fabuleux morceau de musique « Kokomo » et la scène culte « Jamaïca Jamaïca » … « La Firme » où une plongée sous-marine donne au jeune et gentil avocat l’occasion de réunir les preuves qui lui assureront de s’extirper du nid de vipères où il s’est laissé coincer … Bien entendu, cette introduction a comme unique but de vous encourager à voir ou revoir les vielles gloires cinématographiques citées et d’écouter les « Beach Boys ».

Comme nous venons de l’Ouest de Cuba, « Grand Cayman » s’impose à nous comme l’étape la plus évidente pour notre route vers le Panama. Si proche du départ et tellement moins emblématique que sa grande voisine, nous aurions été tenté de la snober … Mais nous aurions grandement eu tort !

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Pas grand chose à dire sur l’arrivée, si ce n’est un quai abrupte et menaçant, un bon accueil des officiels malgré une fouille trop minutieuse longue et harassante … pour le douanier inspecteur un peu trop fort pour se glisser dans les coursives, moi ça va, merci 😉
Pour compléter le tableau, nous profitons de bouées gratuites tout au long de notre séjour, face à la ville, aux quais de commerce et à l’ombre des bateaux de croisières. Tout ceci dans une eau incroyablement claire et constellée de magnifique coraux que nous aurions pensé incompatible avec le niveau d’activité.
D’ailleurs, nous ne bougeons pas de tout notre séjour, avec une bouée idéalement placée, un snorkeling impressionnant dans la baie, un accès facile à terre pour la découverte, pourquoi bouger et se rendre dans le lagon du centre de l’île dont la particularité est de présenter un accès particulièrement difficile pour les bateaux à fort tirant d’eau ? En plus, sans être loin de tout, il n’est prêt de rien, sinon de deux marinas perdues loin des facilités de la ville.

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Finalement, pour nous, Grand Cayman est avant tout une terre de « civilisation » et de rencontre :

« Civilisation de la consommation » dans un premier temps car l’île, bien que teintée d’accent carribeen, est très fortement marquée par l’influence américaine. Voirie, zone de bureaux/loisirs accueillant grandes entreprises et restaurants huppés, quartiers résidentiels de bon niveau incluant des pontons privatifs … L’économie locale semble avoir la pêche !

Terre de rencontre au cours de notre premier dîner en ville où nous faisons la connaissance de Bruno, qui nous réserve le meilleur accueil possible chez « Guy Harvey », le meilleur restaurant du bord de mer (La pièce de bœuf y est exceptionnelle et malgré un prix prohibitif, nous y reviendrons). Nous établissons d’ailleurs notre quartier général sur la terrasse de l’établissement pour la durée de notre séjour. Wifi d’enfer, produits de qualité et personnel bienveillant emportent notre adhésion.

La visite de l’île est menée bon train. Nous entamons la visite de l’île dans une voiture de location (agence face au bateau, bonheur !) avec une liste des points d’intérêts sélectionnés par notre nouvel ami.
Plages visités par les tortues, côte déchiquetés par l’érosion produisant de grandes gerbes d’eau appelées « blow holes », restaurant local de poisson frit sur la plage, restaurant français sans français et pointe aux étoiles de mer … la matinée est menée tambour battant.

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Une curiosité tout de même : tout est à vendre ! À chaque maison, chaque terrain, son panneau « for sale » … Alors que j’y pressens un signe de faiblesse de l’économie locale, il semble, selon Bruno, que ce soit plutôt le fait d’une culture « Monopoly » où vendeurs et acheteurs sont toujours à l’affût d’une bonne affaire.

À l’heure du déjeuner, nous nous retrouvons dans un complexe touristique, et malgré l’horreur que nous inspirent normalement ces lieus, nous en profitons pour nous offrir un embarquement pour aller nager dans le lagon avec les raies, une des principales attractions touristiques de l’île. C’est ainsi que nous nous retrouvons à bord d’un vulgaire « promène touristes », armes de masques palmes, tubas et énormes sandwichs à emporter (urgence oblige) pour une aventure que finalement, nous aurions regretté de bouder.

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J’ai toujours une attitude assez circonspecte face aux activités touristiques ayant un fort impact sur la faune. Mais force m’est de constater que dans le cas présent, ce sont bel et bien les raies qui poursuivent les touristes « parfumés aux calamars » et hurlants de terreur 😉

Nous continuons notre « road trip » en retournant à l’ouest de l’île pour y découvrir des zones résidentielles (avec canaux et marinas, s’il vous plaît !), la zone d’activités en expansion de « Camana Bay », savant mélange de « La Défense » et de zone commerciale., ainsi que la « French Bakery » de Silviya et Bruno, leur nouvelle aventure !

À la nuit tombante, nous concluons cette journée « découverte » dans un « chouette bouiboui local », de bord de mer, le « Heritage Kitchen », dont le décalage caraïbes/amérique nous ravi.

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Plus tard dans la semaine, Bruno nous emmène en promenade pour voir le « Carnaval alternatif » : une procession joyeuse, bruyante, dansante et copieusement arrosée. Cette journée est placée sous le signe de l’amitié et de la découverte de l’univers de Bruno et de sa famille avec laquelle nous poursuivrons jusqu’après le dîner.

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Après tout ça, les préparatifs annoncent le départ. Et si remplir les cuves de « diesel et d’eau » au quai des bateaux à cargaison est une aventure en soit, le supermarché est lui à porté de pieds …

Une dernière référence pour saluer Bruno et l’île de « Grand Cayman » : « See you lator Alligator, not for a while Crocodile » !

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