Le voyage de Takoumi

Saison 3

Archive mensuelles: novembre 2016

Horizons lointains

Nous venons de poser pied à terre après quatre jours empreints de liberté, de bonheur, de plaisir retrouvé de naviguer, de mouillages plus jolis les uns que les autres…et de sérieuses contrariétés concernant l’état du bateau…Mais avant de rentrer dans ces détails je me dis qu’il est temps de mettre fin au suspense concernant le plus grand projet qui nous anime depuis quelques mois: le second voyage de Takoumi…

Alors je vous le dis d’un trait sans tergiverser sachant que comme pour le saut de l’Atlantique nous avancerons pas à pas dans cette direction sans jamais nous contraindre à ne pas changer d’avis en cours de route!

Nous comptons quitter la marina de Rivière Sens vers le 1er Décembre pour remonter les Antilles en découvrant les îles vierges, une partie des grandes Antilles notamment la République Dominicaine, les Bahamas et la Floride. De là ou plus au Nord des Etats-Unis nous entamerons notre descente et traversée vers Cuba, Cancún au Mexique et descente du Golfe jusqu’à Panama. Nous espérons avoir traversé le canal de Panama en Avril afin de descendre les côtes Pacifiques de la Colombie, du Pérou et du Chili pour arriver à Valparaiso où nous équiperons Takoumi des derniers détails pour le passage des canaux de Patagonie en hiver 2017. Nous devrions passer un ou deux mois dans le canal de Beagle d’un petit bout du monde me semble-t-il…Ensuite nous remonterons les côtes Atlantiques de l’Argentine, l’Uruguay, le Brésil et la Guyane Française avant de rejoindre les petites Antilles fin Juillet 2018 au plus tard.

C’est un voyage qui nous paraît gigantesque, une fois et demie la route du premier, complexe, totalement différent et dépaysant, mais nous n’arrivons pas à nous projeter ailleurs, aussi nous allons tenter de vivre cette expérience jusqu’au bout…

Alors de retour d’un WE pépère aux Saintes il m’est facile de rêver et j’espère, de le partager un peu avec vous ce rêve… Cependant, je ne rêve pas, bien au contraire, et fais plutôt la liste – que je vous épargnerai à cet instant – des équipements « vitaux » sur lesquels nous devons absolument pouvoir compter et qu’il nous faut malheureusement réparer ou solutionner avant meme d’envisager un tel voyage! Le suspense demeure mais la route est tracée.

Dure reprise et « Saintes » journées

Depuis notre retour, travail, repos et visites conjuguent notre quotidien et un beau matin, alors que le bateau est prêt, l’envie de bouger est plus forte et il est temps pour nous de reprendre nos marques sur la mer.

Pas une grosse traversée pour la reprise, non, une petite escapade de « week-end » pour retrouver le mouillage « du bois joli » aux Saintes que nous apprécions particulièrement et qui nous semble une destination idéale, éloignée de dix miles à peine, pour nous remettre le pied à l’étrier. Mais voilà, « l’étrier » est un terme d’équitation, pas de marine …

Le jour J, nous sommes levés dès potron-minet, comme tous les jours depuis notre retour car nous veillons à conserver le bénéfice du décalage horaire pour travailler le matin dans une fraîcheur toute relative … A la « presque fraîche » donc, je me lance dans le redémarrage du moteur d’annexe, histoire de finir au plus tôt pour nous garantir un départ avant midi. Mais voilà, le capricieux moteur refuse tout service avant 11 heure, et surtout avant de m’avoir « arraché » les bras à longueur de tentatives de démarrage. Qu’à cela ne tienne, le mouillage convoité est proche et comme nous sommes exténués, nous décidons de déjeuner dans un endroit où nous n’aurons ni cuisine ni vaisselle à faire avant de partir … pas une mauvaise idée en soi, mais à notre retour, il nous reste encore toutes les amarres du quai que nous ne pouvons laisser en vrac et qu’il nous faut dénouer et ranger si nous souhaitons conserver notre image bon teint de voisin soigneux … une demi heure de lutte avec quatre nœuds tous récalcitrants et voilà notre repos « dejeunatoire » consommé et oublié juste avant de partir …
A ce moment là, nous avons un doute, il est quinze heures et le soleil se couche vers dix-sept heures trente, ça va faire juste, mais c’est jouable et nous avons tellement envie de partir que eh bien … nous partons … certes éreintés, mais heureux et confiants de notre coup … au pire, nous arriverons juste après le crépuscule … Ben voyons ! Ce n’est pas comme si nous en étions à notre première erreur d’appréciation, mais nous arrivons au mouillage à près de vingt heures, soit trois heures après nos meilleures estimations et plus du double de temps de navigation.

L’exécrable précision de nos estimations trouve bien entendu son origine dans notre infaillible optimisme, c’est certain, mais pas que … après quatre mois de stationnement dans les mers chaudes, la carène de Takoumi ferait pâlir de jalousie les jardiniers chargés d’entretenir les murs végétaux qui égayent la place de la Nation. Du coup, en plus d’une lourdeur dans les manœuvres de port, nous redécouvrons un bateau devenu asthmatique … pas plus de trois nœuds là où nous en attendions cinq au même régime moteur, bien aidé il est vrai par un vent et une mer contraires, mais quand même … il va y avoir du boulot au prochain carénage !

A ce moment là, nous devrions mettre les voiles (ou la « patate Perkins ») en sortant du port pour gagner quelques dixièmes de nœuds … c’était sans compter sur les hasards de la mécanique et de l’électricité. Au chapitre des absents à l’appel, nous trouvons le loch (ou compteur de vitesse) et le … pilote-auto. Nous commençons par nous mordre les doigts de ne pas avoir fait de tests avant le départ et comme cela ne nous fait aucun bien, nous préférons les utiliser pour réparer.
Dans un premier temps, le pilote, car il nous semble que le « relais auto » est à nouveau en cause … une bonne demi-heure de recherche alternée pour retrouver cette fichue pièce de rechange et deux minutes pour la remplacer, vous y croyez vous ? Parce que nous nous y croyons, et pour du beurre en plus, car le vilain pilote refuse toujours de reprendre du service.
Bon, « tant pis », nous passons au loch, au moins pour connaître la vélocité à laquelle nous n’avançons pas. Un petit fil rebranché plus tard et nouvelle déception … toujours inanimé … à ce moment là, nous savons que nous ne serons jamais avant la nuit au mouillage et qu’au troisième « machin qui pète » nous pourrions passer d’une situation risible à inconfortable.
Plutôt que de rebrousser chemin, nous persévérons quand même dans la recherche de la faille qui nous crève les yeux … et effectivement, l’énormité du gros branchement électrique débranché n’aurait jamais dû nous échapper.
Une fois la faille comblée, nouvel appel et « oh! », miracle, le pilote accepte de reprendre son activité longtemps abandonnée. Par contre, le loch a un comportement curieusement curieux qui n’est résolu qu’une fois le fameux petit fil à nouveau débranché. Comme quoi, parfois, il est tentant de « réparer » ce qui ne devrait pas l’être et il est facile de se faire promener par un circuit électrique « un peu » vieillot.

Enhardis par notre équipement retrouvé, nous décidons enfin de mettre les voiles. Sacreubleu ! Nous ne sommes pas là pour nous tourner les pouces !
À cause de nos vacances prolongées qui nous ont quelque peu rouillés, nous décidons de prendre un ris dans la grand voile, histoire de conserver un chouïa de marge quand nous arriverons dans le « canal des Saintes à la Guadeloupe » et de ne pas nous faire surprendre comme des poussins frais sortis de couveuse …
Et bien les poussins auraient mieux fait de mieux préparer leur sortie !
A la première levée, la voile a une allure bizarre … en forme de sac de patates mal tendu … pourtant, nous les avons serrés à bloc ? Comprend pas … l’étude de nos prises de ris révèle la cruelle vérité, nous les avions si scrupuleusement préparés au port que nous n’avons même pas remarqué que nous les prenions dans les mauvais œillets … Et quand les poussins doivent passer vingt minutes sur un pont balloté par la houle pour défaire sa propre bêtise, refaire les choses bien ou presque, eh bien, les poussins râlent …

Et oublient vite, puisqu’une fois le bon ordre et l’équilibre général retrouvé, nous retrouvons la sérénité et la plénitude de la navigation à voile le temps d’un long bord de près qui nous emmène sinon à la vitesse espérée, sinon là où nous souhaitons, au moins dans la bonne direction 😉

A moins d’une demi-poignée de milles de la première île, nous préférons éviter de louvoyer et affalons les voiles aux derniers moments du crépuscule pour relancer le moteur et finir notre périple autant que possible sur le bon chemin. Bien nous en prît, car nous finissons ce petit trajet de reprise sous des trombes d’eau dans une atmosphère chargée de pluie qui nous cache les abords de l’île pourtant à quelques longueurs de là.

C’est donc à l’aveugle et à un train de sénateur en déambulateur que nous entrons au cœur de l’archipel des Saintes, où les vents mollissants balaient les derniers nuages de pluie pour nous garantir un atterrissage confortable et une prise de bouée effectuée dans les meilleures règles de l’art. Au moins profitons nous de la douceur du mouillage avant de nous coucher.

De là au moment où je vous écris, il n’y a plus que le bonheur d’être au mouillage et de n’avoir rien d’autre à faire que de s’y reposer ! Farniente, promenade en tuba et lecture au menu, nous nous remettons proprement de notre petite reprise 😉

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Retour aux affaires

Voilà presque trois semaines que nous sommes de retour à bord et, enfin, nous naviguons de nouveau.

Avant cette sortie, les journées à terre n’ont pour autant pas toutes été chômées. La première affaire est celle de la voiture, merveilleuse car elle existe, est à notre disposition et assume vaillamment sa fonction de « déplaçoire ». Mais vous auriez aimé voir nos têtes à la découverte de l’engin … Peinture rongée par le soleil, cabosses artistiquement disséminées et pare-choc avant qui s’épanche dans un rictus malin bien que solidement fixé tel quel. C’est « presque » sans ironie que je déclare au propriétaire, fort sympathique ceci-dit, que je ne suis pas bien certain de pouvoir identifier mes propres bosses et rayures, le cas échéant. Comparativement, l’intérieur est correct si l’on excepte les plastiques de la console centrale qui cherchent à fuir quand nous ouvrons les fenêtres. Et il faut les ouvrir souvent car la climatisation ne fonctionne plus … mais en fait, nous nous en moquons bien de tout ça, car cette voiture est l’assurance de pouvoir se déplacer pour se promener, s’avitailler et courir aux quatre coins de l’île pour se procurer la multitude de petites choses que nous devons remplacer ou ajouter à notre équipement.

Le tableau à notre arrivée à la marina est idyllique, rien n’a bougé, rien n’est abîmé … que des bonnes surprises, en tout cas, aucune mauvaise. Il faut croire que notre préparation minutieuse a porté ses fruits … c’est toujours mieux que de se dire qu’elle n’a servie à rien 😉

La marina non plus n’a pas beaucoup changée, si ce n’est l’apparition d’une supérette et la disparition du boulanger … ça, c’est un coup dur pour nos papilles qui doivent se contenter de pain industriel mou depuis lors. Toujours est-il que nous retrouvons avec plaisir cette vie de « village » où les habitants, sédentaires ou non, nous reconnaissent et nous accueillent avec le sourire et leur référence respective : Oh, mais ce sont les « bourgognes aligotés  » !.. Bon retour « madame rôti » … Tiens mais ce sont les copains qui sont revenus … sympa quoi !

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Il y a aussi l’affaire du « pouce » que nous avons gardé pour nous jusque-là. Pensez vous, moins de vingt quatre heures après notre atterrissage, nous avons été trop proches de nous rendre à notre « traditionnel » pèlerinage aux urgences. Rien de grave, à ce jour, l’extrémité en cause est pour ainsi dire remise du tranchant et douloureux rappel à l’ordre que je dédie à tous les bricoleurs du dimanche qui nous lisent : bricoler avec une couteau pour s’éviter un aller-retour à quatre mètres de là est une bêtise sans nom.

Là dessus, nous découvrons dans les jours qui suivent la troublante réalité de la météo en cette fin de période cyclonique … Il fait terriblement chaud et nos quatre mois de villégiature en métropole nous ont ramolli le cuir et bouleversé nos mécanismes de régulation interne de la température que nous devons suppléer par des « douches pontons » fréquentes. Nous connaissons alors une période d’apathie sévère avant de subir plusieurs jours d’orages et de pluies discontinus. Durant cette phase de réadaptation, nous redécouvrons les locaux climatisés et secs de la marina où nous passons de longs après-midi à jouer sur nos tablettes à « Catane », le dernier jeu de société que nous avons découvert.

Ceci dit, n’allez pas croire que nous nous limitons à singer des « rats de marina », nous mettons à profit les journées les plus clémentes pour reprendre un peu de tourisme, aux abords de Basse-Terre à Pointe-Noire tout d’abord, puis la découverte de « Jarry » et de ses centres commerciaux, enfin, une journée complète qui nous mène jusqu’aux confins nord de la Basse-Terre où nous déjeunons au cœur du magnifique jardin botanique de Deshaies, là où bassins poissonneux, volières et village des perroquets disputent l’intérêt des visiteurs aux chemins arborés.

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Avec tout cela, le bateau s’équipe peu à peu de tout ce que nous avions remisé dans ses coffres et retrouve son look « prêt à partir » qui lui va si bien. Jours après jours, toujours, les multiples amarres sont rangées pour ne laisser que le minimum nécessaire au maintien du bateau dans sa place. L’air se charge petit à petit des frémissements du départ.

Mais hors de question de partir sans avoir été revoir les poissons, et dès le pouce « baignable », nous nous empressons de prendre rendez-vous avec nos moniteurs de plongée préférés et hormis une oreille récalcitrante les premières minutes, nous retrouvons avec encore plus de bonheur qu’auparavant les fonds populés de la mer des Caraïbes. Bancs de poissons multicolores, poissons coffre et porc-épic, araignées, serpentines, crevettes-pistolet et murènes-léopard se sont sans doute réunis pour venir voir … ceux qui sont revenus.

Qu’on ne se trompe pas!

Alors que d’importants changements ont été decidés dans la nuit, je voulais entamer ce second chapitre de notre périple qui a commencé il y a quinze jours, à notre retour de « métropole » comme ils disent ici, aux Antilles. Le frère d’un copain d’une connaissance est venu nous chercher à l’aéroport en nous laissant sa voiture en « prêt » – c’est à dire le système local de location de voiture à prix raisonnable – mais aussi d’entraide entre métros, locaux, rigolos de passage comme nous qui étions bien contents de trouver cette solution pour les premières semaines en Gwada. Une merveilleuse Xara dont l’état indescriptible aurait fait passer notre vaillante Renault 11 pour une voiture neuve….

Retour à Marina RIvière Sens près de Basseterre où nous entamons le ré habillage de notre beau bateau Takoumi retrouvé avec plaisir et rassurance après quatre mois… quatre longs mois sans effet sur son état général et sa capacité d’accueuil. Les sièges comfortables et véritable douche privative nous manquent un peu! Mais somme-toute la vie d’extérieur par 30 degrés, les pélicans, les poissons tropicaux, les agoulous (sandwichs très très complets) nous conviennent plutôt bien en revenant de Paris en plein automne. Après une semaine de sueur tant à cause de la chaleur orageuse que de quelques bricolages créatifs, nous sommes prêts à naviguer demain pour une première visite aux Saintes!

Nous avons beaucoup dormi depuis notre retour « sur mer », retrouvé des copains, plongé avec des araignées, des murènes léopards, des poissons lion – et déjà reperdu quelque kilo(s) – nous le pensons en tous cas!

L’heure n’est néanmoins pas encore au « count down » du second voyage de Takoumi que nous vous expliquerons et profilerons très bientôt. En attendant en ce jour d’élection américaine, je souhaitais partager qu’il y a autre chose ici bas que « les infos », la peur et la morosité ambiante. Il y a aussi le Vendée Globe, et surtout l’aventure, la volonté d’aboutir et de découvrir, ainsi que la chaleur des échanges familiaux et amicaux qui nous ont ressourcé ces derniers mois, et nous poussent à poursuivre ce récit dont vous faites partie.