Le voyage de Takoumi

Saison 3

L’affaire de l’annexe

L’annexe, c’est l’affreux morceau de plastique gonflable et généralement motorisé qui permet de rejoindre la terre ferme (ou un bateau copain) depuis un mouillage forain … Et en terme d’affaire, la notre n’en est pas une tellement elle se révèle mal adaptée à notre usage.

À notre corps défendant, nous la savions « légère » pour notre projet de voyage, mais elle équipait le bateau quand nous l’avions acheté et nous préférions « finir celle la » avant d’investir dans une neuve. En plus, j’avais toujours cru que l’évidente mauvaise qualité de l’objet nous épargnerait de la conserver trop longtemps …

… C’était sans compter sur l’improbable opiniâtreté de l’objet à ne pas disparaître de la surface des océans.

Voilà un an donc que nous traînons notre « honte en PVC ». L’outil est tellement méprisable que les bateaux copains prennent désormais souvent la peine de nous proposer de venir nous chercher pour une balade à terre ou un simple apéro à bord … c’est pour dire … Et entre St-Martin et Deshaies, l’affaire a pris des dimensions tout à fait hors des limites acceptables.

Alors, bien sûr, quelques rustines fleurissent ici et là, témoins d’un usage souvent peu respectueux du niveau de résistance du PVC entrée de gamme. Ce fut le cas à Tenerrife (Canaries), au Marin (Martinique) et Prickly Bay (Grenade). Mais cela est, je dirais, un bricolage aussi rapide et gratifiant que commun au point d’être négligeable. Non, le problème, tout comme la vérité, est ailleurs.

Par nature déjà, exploitant sans vergogne les défauts de ses qualités, l’engin présente un très très net déficit de poids ?!?! Bien trop légère pour être stable, un vent un poil plus soutenu qu’un filet d’air suffit à la retourner quand le moteur est à poste. Ainsi, ce dernier a à ce jour, subit quatre (oui, quatre) bains d’eau de mer… Qui à chaque fois nous imposent une demi journée de labeur pour le sauver … Rinçage a l’eau douce, nettoyage (voir échange) de la bougie, purge du carburateur, quatre vidanges successives et d’innombrables (à s’en faire mal) tentatives infructueuses de tirer sur la ficelle de démarrage avant qu’il n’accepte enfin de donner de la voix, d’abord timidement, puis presque normalement pour enfin n’avoir plus que quelques étouffements les deux ou trois jours suivants … Il est parfois long de traverser un mouillage au ralenti, mais c’est plus agaçant que limitant finalement.

La première fois, avait eu lieu à Bequia. A l’issue d’une sortie de plage bien mal organisée, une vague pourtant pas plus haute qu’une taupinière avait retourné comme un fétu de paille embarcation, moteur, sac étanche et votre serviteur. Hormis, la séance mécanique, pas de conséquences autres que d’entrer trempé dans un bar de plage et de devoir faire sécher les billets avant de payer.

La seconde séance sous marine était déjà plus traitre. Alors que j’effectue les formalités de sortie de Carriacou et que Manue surveille nos affaires en terrasse du bar voisin, un client surgit demandant à qui veux l’entendre qui est le propriétaire de l’annexe noire et RETOURNEE, attachée au ponton des annexes ? Cette fois-ci, il s’agissait d’une amarre voisine qui s’était ignominieusement glissée par en dessous avant de se tendre et de balancer le frêle esquif comme on retourne une crêpe un soir de chandeleur.

Nous en arrivons à l’occurrence la plus méprisable du processus, à St-Martin, en baie de Marigot. Invités à rejoindre l’équipage de Kalisea à terre pour le déjeuner, nous repoussons crânement l’offre de venir nous chercher et préparons notre annexe. Une fois le rituel de mise à l’eau / montage moteur promptement mené à bien, nous détournons notre attention quelques secondes pour récupérer sacs et effets personnels. Ce faire quelques secondes de trop, mises immédiatement à profit par une rafale un poil plus forte que la précédente … Techniquement, mêmes causes, mêmes effets, mais en plus, nous devons surmonter le ridicule en rappelant les copains pour finalement accepter l’offre de transfert :-/
Une bonne chose tout de même, l’île de St-Martin est reconnue comme le plus haut lieu de « vol d’annexes » des Antilles … Et en ce qui concerne la notre, personne ne s’y est intéressé … Au moins une occasion où il est préférable de faire pitié qu’envie dirons nous.

Les retournements horizontaux ne sont pas les seules épreuves que nous traversons, à peine quelques jours plus tard, en baie du Colombier (Sr-Bart), nous décidons d’effectuer le trajet inter-bateau à la rame. Les mêmes amis qu’à Marigot sont inquiets de nous voir dériver hors de la baie au moment du retour … Évidement, ils ne peuvent pas savoir qu’une dame de nage vient de se décoller sur le trajet, nous obligeant à dériver une minute, le temps d’organiser et tester une nouvelle méthode de propulsion dissymétrique rame/pagaie …

Les mêmes sont encore témoins d’une ultime péripétie à Nevis, quand sur le départ, pour retourner à notre bord, la ficelle du lanceur du moteur choisit cet instant précis pour se couper et nous interdire toute velléité de démarrage. Cette fois-ci, nous sommes contraints d’emprunter une rame à nos hôtes.pour rejoindre notre bateau, la dame de nage n’ayant pas été recollée à temps, nous avons négligé d’emmener la rame qui ne devait pas nous servir ! Je crois que nos amis commencent à trouver « un peu » ridicule notre entêtement à nous embêter avec cette annexe, en tout cas, c’est ce que je commence à ressentir personnellement. Mais bon, comme on dit, chacun sa croix (ou devrais-je dire … éolienne ? 😉 )

Une dernière épreuve nous attend à Deshaies, où l’annexe se retourne lors du sauvetage (c’est une autre histoire, à venir) d’un bateau à la dérive. La stupéfaction des co-sauveteurs est palpable quant ils constatent avec quelle désinvolture blasée je traite ce qui pour nous est désormais un … non événement.

Alors, après tout ça, vous comprendrez, j’en suis sûr, si je vous avoue songer à abandonner cette annexe attachée à un poteau au bord de la route de notre « retour en vacance » ;-).

J’ajoute un petit mot pour nos amis d’Okeanos, qui ont sans doute compris avant nous, sans même avoir été témoins directs, les affres de la situation et qui ont été prompt à proposer systématiquement un petit transfert « sportif » en annexe 😉

2 Commentaires

  1. jean-camille

    Quelle histoire ! Ce post si drôle décrit tellement bien l’angoisse qui saisit l’équipage face à ces multiples contrariétés que nous allons le garder et l’utiliser pour la dictée de Mathis 🙂
    Kalisea’s crew

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  2. Chantal

    En général c’est au départ que les gens abandonnent au bord des routes ! Là au retour je ne sais pas si on pourra vous accorder les circonstances atténuantes… Enfin,  » c’est vous qui voyez ».
    Quoi qu’il en soit, Olivier tu es tout dans cet article , l’humour et l’obstination et j’ai hâte de lire le récit du sauvetage du bateau à la dérive .
    Et les papiers du bateau ? Comment vous débrouillez-vous ?
    Quelle affaire !!! Ce n’est pas avec votre annexe que vous allez aller les rechercher par ce qu’après vous ne pourrez plus l’abandonner …. C’est dur !
    Grosses bises.

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