Le voyage de Takoumi

Saison 3

Cap au Cap Vert

Cap au 213° vers Mindelo, la première journée de navigation est une bonne surprise par rapport aux prévisions météo : 122 mn parcourus en 24h essentiellement à la voile.

Les dauphins nous accompagnent par dizaines en quittant le dernier cap de l’île de La Gomera. Un peu plus loin, il y a un groupe de dauphins qui s’éloignent et celui en tête semble faire des sauts verticaux inhabituels … c’est un thon qui tente de leur échapper – en vain!!! Démonstration faite que l’océan regorge de poissons je commencerai à pêcher dès le début de cette traversée … Pour cette étape, la bonne nouvelle est que nous avons un frigo qui fonctionne et que nous comptons bien manger … je teste aussi la conservation des légumes dans un panier trouvé à Tenerife que nous laissons à l’extérieur. Nous dînons ainsi copieusement le premier soir : filet de bœuf aux papas arugadas de Gran Canaria. Durant les quarts de veille, je bouquine le guide des îles de l’Atlantique sur notre prochaine étape. Nous sommes subjugués par les grandes vagues indolores qui viennent ondulant du grand large.

 

Deuxième jour:
Les batteries se déchargent et nous voilà contraints de mettre le moteur sous voile vers 13h une petite heure. Nous n’aimons pas trop ça mais l’alternateur d’arbre fait encore des siennes …
Nous sommes un peu crevés (c’est normal après la première nuit de veille), après le déjeuner – conserves de terrines de la comtesse du Barry et fromage du marché – je m’apprête à faire la sieste – mais je ne dormirai que (beaucoup) plus tard, en effet c’est à ce moment-là qu’une magnifique dorade choryphène décide de mordre à mon hameçon! Ce sera l’activité principale de l’après-midi. Elle mesure 96 cm, pèse son poids et a grignoté mon leurre avec de petites dents bien pointues! Enfin, un gros poisson!

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C’est un beau chantier à bord de Takoumi … Heureusement que nous avions trouvé un raccord nous permettant de brancher un tuyau à l’eau de mer avant le départ (recherché depuis plusieurs mois et rapporté de Paris par Papa il y a tout juste 2 semaines!). Il nous été bien utile pour nettoyer les dégâts (partout!) et préparer notre poisson tout frais. A 19h nous remettons le moteur en route pour charger à nouveau, nous le garderons la nuit parce que le vent a décidé de nous faire faux-bond. La nuit est très belle, les étoiles filantes tombent du ciel comme la pluie.

 

3ème jour (mardi):
Nous sommes seuls au monde, il n’y a rien, absolument rien nous disons-nous à maintes reprises toute la journée – de ce fait nous lisons, mangeons et dormons à peu de choses près dans cet ordre en boucle et à tour de rôle-à part les repas que nous mijotons avec plus ou moins de succès. C’est chouette qu’il n’y ait rien, c’est tranquille comme ça, sans tanker qui s’approche ou mauvaise météo.
On est relativement relax et buvons un apéritif raisonnable devant le coucher de soleil. C’est juste après qu’une grosse troupe de dauphins décide de venir nous rejoindre un petit quart d’heure en jouant sous la poupe de Takoumi, avant que nous nous réfugions dans le cockpit pour le reste de la nuit. Nous avions également bien travaillé cet après-midi : entraînement à la prise de ris de la GV, marquage des bosses de ris pour faciliter les manœuvres (idée inspirée par Esther à Malte), re-serrage de la courroie de l’alternateur qui fonctionne à nouveau et sécurisation de poulies.

 

4ème jour (mercredi):
Nous nous sommes loupés sur nos quarts la nuit dernière d’une demi-heure chacun aussi devons en discuter car nous avons du mal à prendre notre rythme de croisière. Cette expression prend tout son sens à présent! L’alternateur a fonctionné 10 minutes, les branchements sont maintenant en cause ne supportant les vibrations du moteur …
A 12:30 nous apercevons de la vie – 2 bateaux en vue, un voilier et un grand bateau de pêche respectivement à 6 et 3 miles de Takoumi, et sans émetteurs AIS – comme nous, visibles seulement au radar. C’est marrant de voir de la vie quand on ne l’attend plus et tel un voyeur je les observe longuement avec les jumelles. Je viens de poser notre ligne de pêche de notre côté et Olivier prend la météo pour le reste du voyage grâce au téléphone satellite: nous devrions faire pas mal de moteur jusqu’à la nuit de vendredi et pouvoir terminer à la voile avec un bon vent les 2 derniers jours.
Après le déjeuner (poisson frais, évidemment) et un peu de repos, nous nous mettons d’accord sur la réorganisation des quarts et la procédure météo pendant la traversée à venir.
Nous constatons avec plaisir que le tuyau eau-de-mer est un outil de premier ordre à bord. Nous nous en servons pour la vaisselle, les douches, le nettoyage des poissons et du pont grâce a quoi nous avons économisé beaucoup d’eau douce depuis le départ de la Gomera. Notre jauge affiche encore le plein de 750l. Eh oui, la jauge manuelle de Monsieur Amel (constructeur) n’est pas très précise mais nous avons vite tourné ce détail à notre avantage et remplissons la cuve jusqu’au trop plein – résultat nous pensons avoir 100l supplémentaires au-delà de la marque indiquant 750 litres – d’après la jauge … .la nuit se passe plus ou moins calmement – Olivier se bat avec deux traces radar de pêcheurs sans doute une partie de la nuit mais ils resteront finalement à distance. Il aperçoit quand même des dauphins 🙂

 

5ème jour (jeudi):
Nous accusons le coup aujourd’hui, le vent retrouvé les vagues déstabilisent le bateau – au portant- et le génois claque régulièrement. Non seulement c’est déplaisant pour un tas de raisons mais nous n’arrivons pas à dormir donc à récupérer. Néanmoins, nous passons une agréable journée avec des nouveaux quarts beaucoup plus adaptés au soleil qui se couche tôt à 18h30. Nous faisons des essais avec le spi qui s’avèrent peu probants et exténuants sur ces vagues notamment. La pêche est bredouille depuis 2 jours mais la visite de très nombreux grands dauphins tachetés et blancs vers 17h nous redonne de l’énergie.
Nous décidons d’avancer notre planning d’une heure pour l’adapter encore mieux au coucher et lever du soleil. A 5h du matin, nous avons atteint plus de deux tiers du chemin (550 miles). Comme prévu le vent forcit et permet à Takoumi de mieux gérer le passage des vagues, nous dormons mieux et commençons à récupérer. La mer se forme en même temps cependant la lune montante ne nous éclaire pas beaucoup parce qu’elle se « couche » très tôt – en pleine nuit laissant le noir intense s’installer. Nous voyons les reflets du plancton qui, lui, génère des semblants d’éclairs sur l’eau tout autour du bateau. Je me suis laissée avoir plusieurs fois au début croyant que nous allions heurter une balise ! Et au sein de tous ces éléments de la nature je me dis souvent combien les spectacles que nous offrent la Terre sont merveilleux.

 

6eme jour (vendredi):
L’alternateur est réparé ! Plus beau cadeau d’anniversaire que je pouvais souhaiter ?
Ce matin j’observe nos fidèles compagnons de route: les oiseaux. Ceux-ci sont plutôt petits, noirs et je les ai baptisés les oiseaux surfeurs – ils sont bons d’ailleurs et semblent adorer prendre les vagues au plus près. Au début de notre voyage les oiseaux ne présentaient que peu d’intérêt à mes yeux. Mais au fil du temps, je les ai cherchés au réveil sachant qu’ils sont souvent les premiers sur l’eau. Il suffit d’observer pour voir de l’intérêt et de la beauté.
La mer nous bouscule comme il faut, les vagues claquent de tous les côtés, en nous poussant dans notre direction, heureusement- nous prenons la tension du vent : 8/14, 9/13., 10/16 … creu/sommet de la vague … disons-le, c’est inconfortable et ce n’est pas prêt de s’arrêter. La journée se passe et Olivier me fait même un gâteau d’anniversaire courageusement. L’événement du jour est l’arrivée d’un bel oiseau blanc qui s’est invité et installé sur la grand voile affalée depuis 17h et qui compte bien y rester. Nous sommes à presque 400km de la première terre et l’accueillons bien volontiers.

Il ne nous reste plus que 200 milles avant d’arriver dans 2 jours – dimanche matin, si tout va bien. Nous avons eu besoin de rallumer le moteur 2h sous voile ce soir pour recharger les batteries malgré l’alternateur d’arbre qui charge mais ne suffit pas. Nous réfléchissons aux différentes options en vue de trouver le bon équilibre entre les équipements pour charger sans être obligés de consommer/consumer notre vieux moteur.

 

7eme jour (samedi):
La nuit nous ayant permis de récupérer un peu, le réveil est plutôt sympa: Olivier a la douce visite des dauphins et j’ai le droit aux poissons volants par dizaines. Mon oiseau passager a pris congé vers 8h30 du matin – il me semble qu’il avait encore mieux dormi que nous lové dans la grand voile!
La journée est consacrée à la pêche et en préparant ma ligne je vois que nous en avons déjà pêché un: un poisson volant a réussi à atterrir dans un seau sur le pont pendant la nuit!

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Mais pour le reste de la journée le bilan est nul: 3/0 en faveur des poissons – les deux premières ont offert des sensations à Olivier et ont fini par se décrocher – et j’ai bataillé une demi-heure avec le dernier – une autre dorade choryphene assez fortiche qui a eu raison de la ligne – au revoir le leurre de compet’ – dommage, il marchait vraiment bien celui-là !!!

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S’ensuit la nuit de navigation qui ressemble franchement à un mouillage pourri cette fois … Et je dois reconnaître que nous avons sûrement fait des progrès parce que nous réussissons quand même à dormir … ou serait-ce le manque de sommeil qui me dicte ces inepties?
Nous passerons quelques heures à scruter l’horizon pour voir enfin la terre. L’harmattan, le vent d’Afrique qui transporte du sable nous cache ces îles voilées jusqu’aux derniers miles, qui se passent au moteur pour charger les batteries … Mais cela nous permet d’arriver avant la fermeture de la marina de Mindelo à midi le 8eme jour (dimanche). Arriver dans un nouvel endroit est toujours excitant, une nouvelle aventure mais une part de moi est un peu triste de quitter l’océan quelque temps.

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4 Commentaires

  1. Jean-Marie Burg

    Bravo pour cette traversée qui prépare bien la plus grande. Tu me confirme que le poisson volant n’est pas mangeable? Bravo pour le poisson, il vous a fait combien de repas? A bientôt et gros baisers

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  2. Marco

    Superbe cet oiseau blanc qui fait son quart, vous avez un nouvel ami pour la vie 😉
    Bravo pour cette belle nav’, ça commence à sentir le sud et le grand soleil !
    On boira une coupe à votre santé le 24, le 25 et le 31, bonnes fiestas à vous 2

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  3. Chantal

    Bravo ma grande : 96 cm, c’est énorme ! Voilà de quoi faire plusieurs repas. Vous avez même dû prendre un double décamètre pour le mesurer ; heureusement que vous en avez un !
    Manuela, tu deviens lyrique. Oui la nature est belle et vous nous en faites profiter assis dans nos fauteuils : les dauphins, les oiseaux, les poissons volants…. mais ça nous semble dur aussi. Amusant ce poisson volant venu atterrir dans votre seau .Encore un suicidaire ! Vous allez en voir beaucoup aux Antilles (des poissons volants pas des suicidaires) . Nous pensons beaucoup à vous, en ce moment surtout et nous vous souhaitons un beau Noël et vous embrassons très fort tous les deux.

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  4. Stéphane

    Beau journal de bord, sympa de voir la progression d’une traversée. Et quelle pêche ! J’ai l’impression que le cap à l’ouest ne va être qu’une formalité !

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